Le « double métier » : une nouvelle alternative pour favoriser la transmission de l’entreprise familiale.

Comment favoriser la transmission de l’entreprise d’une génération à l’autre ? Et si nous proposions aux jeunes générations une alternative pour leur donner envie de poursuivre l’aventure de leur entreprise familiale ?

Lors d’une transmission, les habitudes de pensée amènent à envisager couramment deux scénarios. Soit un ou plusieurs membres de la nouvelle génération apprennent le métier, travaillent dans l’entreprise et pourront un jour en devenir les propriétaires dirigeants. Ce schéma est souvent souhaité, parfois très réussi, parfois bloquant faute de repreneur familial prêt à franchir le pas. Soit, en l’absence de ce repreneur familial, l’entreprise est vendue, à regret.

Psychologiquement, ces deux scénarios mettent les nouvelles générations dans un dilemme. Reprendre ou vendre. Les filles ou fils d’entrepreneurs se retrouvent dans une alternative humaine délicate. Poursuivre l’aventure de l’entreprise familiale ce qui engage à y travailler, en faire son métier, y vivre localement, être regardé et se sentir comme le successeur en devoir de réussir. L’autre choix étant de réaliser son propre parcours professionnel, en choisissant son métier et son lieu de vie avec le regret de la cession de l’entreprise, voire la culpabilité de la fin l’histoire …

Une alternative existe pourtant : celle du « double métier » ou de la « double activité ». Elle permet à chaque membre de la jeune génération de construire son avenir en combinant le choix de son métier professionnel et la responsabilité de son rôle d’actionnaire. Exercer librement la profession choisie et devenir un actionnaire actif. Pour plusieurs années définies, la direction opérationnelle est confiée à des managers non familiaux.

Comment être cet actionnaire ? En connaissant la vie productive et économique de l’entreprise, en participant aux moments clés de sa gouvernance, en étant informé et formé. Par expériences, je suis convaincu que cette voie favoriserait la transmission des entreprises familiales. Elle repose sur une gouvernance pensée et construite pour permettre aux jeunes et futurs actionnaires de pouvoir comprendre, s’impliquer et un jour décider.

Ainsi témoigne Sylvain Prévot, jeune actionnaire de la 5ème génération du groupe familial DAHER : « C’est une seconde casquette, c’est clair ! Je le vis comme une responsabilité et aussi un épanouissement personnel. J’y consacre du temps personnel. Etre impliqué dans la gouvernance, c’est comme une formation continue. J’y apprends le langage de notre entreprise sans y être opérationnel. C’est aussi un état d’esprit fait de bon sens, de curiosité, de bonnes questions à poser, de suivi dans la durée. »

Ce qui existe aujourd’hui dans la gouvernance de grands groupes familiaux est possible dans nos ETI et PME nationales. De belles expériences le prouvent, tel cet exemple de 3 membres de seconde génération qui construisent depuis 3 ans une coopération régulière avec le dirigeant non familial. En moyenne, les jeunes actionnaires au « double métier » s’impliquent de 6 à 12 jours par an, parfois plus. Les premières années permettent d’acquérir tant les indicateurs quantitatifs essentiels que la connaissance plus implicite des affaires. Ils peuvent être soutenus par des administrateurs indépendants qui les éclairent de leurs expertises sans se substituer à leur rôle d’actionnaires propriétaires.

Dans cette alternative, les processus de gouvernance permettent toujours d’exercer un juste équilibre entre contrôle et soutien. « On acquière de plus en plus de légitimité, explique Sylvain Prévot, c’est comme un second métier à temps partiel ». Le temps d’une génération ou moins, le temps qu’un ou plusieurs membres de la famille puissent un jour diriger l’entreprise, ces années de transition et de transmission sont possibles. Les jeunes générations sont en capacité d’exercer cette double activité, d’y trouver du plaisir et du sens.